Là, les hommes et les femmes se roulent l’un contre l’autre en une formidable orgie. Je ne suis pas d’entre eux. Je regarde la scène du haut de mes talons aiguilles, je porte mon masque, le même que tous les autres. Je caresse mon verre de la pointe de l’index.
Quand la scène devient insupportable, je me lève, et je sors.
Je ne suis jamais parvenue à répondre à cette simple question qu’ils posent. Qui je suis. Où je vais. D’où je viens, qu’est-ce que je fais. Je me suis toujours étonnée que les autres trouvent si facilement des mots pour y répondre. Cette simple question me balaie de la pièce pour me plonger dans l’abîme existentiel de ma naissance, bon dieu, qu’est-ce que je fais, ici. Je ne sais pas. Vous savez, vous ?
J’ai toujours trouvé cela étrange, cette mystérieuse orgie. Ces mots pour y répondre, mal. Cette ardeur à y répondre, autant mieux que possible, avec des mots qui dessinent un visage, un rôle à jouer, une raison d’être là, de faire partie de la chose. La chose.
Ce magma d’être, de jambes et de paroles en l’air.
C’est peut-être pour ça que je m’efface, que je m’esquisse à peine, pour disparaître aussitôt, planquée dans les égouts du monde.
Dans ce magma d’identifiable, d’identifiés, Il n’y a pas de moi qui tienne. Tu tiens, toi ?
Nous ne tenons à rien, parce qu’il n’y a absolument rien, qui tienne.
Je me suis réfugiée ici, pour l’écrire. Ce magma. Depuis que je me suis mise à exister, il me semble que je n’ai rien fait d’autre que cela, tenter de tenir ensemble, tenter d’être, et de saisir un peu de ce magma insaisissable. C’est peut-être ça, que je fais. Essayer.
« Et toi, qu’est-ce que tu fais ? » « J’essaie. » Exactement.
Comme tout le monde.
Nous ne sommes que des hommes, des hommes et des femmes, et nous avons besoin de nous rouler les uns contre les autres,
peu importe le bruit que cela fait.