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La maltraitance est une seconde peau. Elle est la maison dans laquelle j’ai grandi, elle a le parfum des murs et du plancher, l’odeur du jardin. Tu me rejettes donc j’existe, tu m’humilies, je suis vivante. Le regard mauvais que tu m’adresses est pour moi une marque de reconnaissance ; c’est comme cela que j’ai défini mes contours, dans le regard dur de l’autre mère ; et si elle me regardait mal, c’est que j’avais bien dû faire quelque chose ; et si je n’avais rien fait,  alors je n’avais plus qu’à me tourner misérablement vers moi-même et chercher en moi la cause de sa haine, car les grandes personnes ont toujours raison. Était-ce mon visage ? Était-ce mon rire ? Était-ce ma voix ? Était-ce le bruit de mes pas dans le couloir ?  Je n’avais plus qu’à éteindre tout cela, et alors peut-être,  elle ne serait plus méchante, et alors peut-être, elle m’aimerait. Elle ne m’a jamais aimée. Et j’ai grandi comme ça, en éteignant mon visage, mon rire, ma voix et le bruit de mes pas à l’approche de ceux qui de près ou de loin lui ressemblent ; tout en cherchant inlassablement ce regard mauvais que tu avais encore sur moi ce matin, preuve tangible de mon existence dans la pièce.

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